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Conservation/Restauration de livres



Conservation/restauration de livres brochés (1)

     Le premier type d’ouvrages dont la conservation/restauration m’a été enseignée est le broché souple.
     Nous côtoyons tous les jours ces livres anciens ou récents aux couvertures souples souvent très dégradés ou rapidement abîmés. Ce concept éditorial, héritier des reliures souples en parchemin, a été développé dès ses origines, non pour sa solidité mais pour son moindre coût.

     Souvent anciennement présentés comme des « reliures d’attente » (dans l’attente d’être confiées à un relieur), ces livres n'en ont pas pour autant perdu leur aspect et leur structure d'origine et n’en constituent pas moins aujourd’hui une des plus grandes parts de notre patrimoine écrit.

     Du fait de leur prix peu élevé, de leur présentation moins travaillée et pour la plupart d’entre eux de leur grand nombre, ces livres sont souvent déconsidérés et on ne pense pas toujours à préserver ce patrimoine. Pourtant certains sont plus rares que d’autres et méritent la mise en œuvre de procédures de conservation/restauration.
     Si quelques-uns seront préservés en l’état dans des boîtes de conservation, d’autres, dont on voudra notamment préserver la consultation pourront être restaurés.
     Il existe des procédures applicables aux différents types de réalisations techniques artisanales ou industrielles existantes (même si encore une fois, les interventions sont dictées par le document).
     Il faut généralement intervenir sur deux structures qui demandent chacune un ensemble de procédures propres : la couverture d’une part et le bloc livre d’autre part. Dans l'ensemble, il est souvent nécessaire de passer par diverses étapes de nettoyage, de restructuration, de reconfection de couture, de réparation de déchirure, de comblage, d'estompage etc.
     Lorsque l'ensemble de ces actions est achevé, les résultats obtenus peuvent parfois être surprenants.

     Voici quelques exemples de livres brochés souples restaurés au cours de ma formation et en-dehors. Pour m'exercer, certaines de ces reliures ont été restaurées au-delà de ce qu'elles réclamaient (Cf. Poulbot).

Etui de protection




Avant

Après

Conservation/restauration de livres du XVIIIème siècle (1)

        Je tiens à présenter dans ce point l'exemple de ce que peut être la restauration complète d'un livre du XVIIIème siècle "exagérément" dégradé. Un ouvrage semblable, sans valeur particulière et qui aurait subi autant de déprédations, ne mériterait pas que l'on développe le moindre protocole de restauration. On se contenterait ici d'améliorer son état de conservation et son mode de stockage (par la réalisation d'une boîte de conservation) tout en préconisant la limitation des consultations. Mais j'ai eu l'occasion de développer l'intégralité de la procédure de restauration de cet ouvrage au cours de ma formation. Il s'agit donc d'un exercice et d'un très bon exemple de ce qu'il est possible de réaliser à partir d'un ouvrage très abîmé.
     Ce livre des années 1790 est un catéchisme catholique que nous avons intitulé : "Mandement de Monseigneur l'Evêque de Limoges" à partir de ses premiers mots puisque la page de titre nous fait défaut.
     Le bloc livre, à l'exception d'un double feuillet, était complet, mais de nombreuses pages étaient déformées, pliées et déchirées.
     La couture était lacunaire et n'assurait plus son rôle.
     Les tranchefiles avaient disparu.
     Les cartons des plats avaient de nombreux manques (coins, mors) et avaient perdu toute résistance mécanique. Ils étaient devenus mous et friables.
     Le cuir de recouvrement présentait de nombreuses lacunes et des trous laissés par des insectes xylophages.
     Si nous ne possédions pas le détail de l'étude codicologique de ce type d'ouvrage, la restauration n'aurait pu être envisageable.
     En résumé, voici les étapes qui ont été entreprises :
     - restauration du bloc livre après nettoyage et entretien du cuir ancien, son décollement puis débrochage minutieux, nettoyage du papier, réparation des feuillets, réencartage, couture (en suivant le schéma d'origine), arrondissure, endossure etc.  
     - restauration des cartons (renforcement de leur structure, comblage des lacune)
     - passure, pose des claies, pose des tranchefiles
     - encollage et pose du cuir ancien
     - comblage des lacunes de cuir
     - estompage du cuir neuf
     Le tout a été réalisé en utilisant des matériaux réversibles et en adéquation avec l'époque de réalisation de ce livre.
Voici le livre avant et après restauration : 
     
Tranche de tête                                                    Tranche de queue

Gouttière                                                                     Première page du livre
 
                                                                             Plat verso                                                  Plat recto
   
 Dos
    
                                                    Tranche de tête                                                             Tranche de queue
  
             Gouttière                                                          Première page du livre
                                                                                                              Tranchefile





Quelques étapes d'estompage

             Cette Somme théologique de Martin Becan reliée dans les années 1620 et exagérément dégradée va me servir ici à présenter quelques étapes du travail d'estompage des greffes de cuir.


          Tout en gardant à l'esprit que chaque livre entraîne le développement d'un protocole d'intervention spécifique issu de son analyse, l'estompage des pièces de cuir greffées est l'un des derniers processus engagé lors de la restauration de livres reliés en cuir.
            La réalisation de ce travail est parfois remise en question par certains restaurateurs qui prônent une lisibilité totale des interventions de restauration. Sans entrer dans la polémique, il faut savoir que toute intervention, même si elle est invisible pour un oeil non initié, laisse certains indices permettant de la retrouver (les restaurations entreprises aujourd'hui doivent être les moins traumatisantes possible pour l'ouvrage et surtout être réversibles et ainsi faciliter de futures interventions). D'une façon générale (tout dépendant du but de l'intervention : conservation, consultation etc.), l'empreinte des matériaux neufs ajoutés lors de la restauration doit être d'une très grande discrétion. C'est de fait l'objectif de l'estompage.
          Avant d'entreprendre ce travail, ce grand in-quarto a fait l'objet d'un grand nombre d'interventions que je ne développerai pas ici.















     

            Le processus d'estompage ne peut être entrepris que sur des greffes de cuir parfaitement
incrustées. On ne doit pas sentir au toucher de différence de niveau entre le cuir ancien et le cuir neuf. 


            Pour cette reliure à la granulation si particulière, l'étape suivante consiste à retrouver la texture de surface du cuir ancien. On emploie pour cela des chutes de cuir issues de la parure et un adhésif approprié. 

          Une fois cette texture retrouvée, on cherchera la teinte exacte pour fondre les pièces neuves dans l'atmosphère générale du livre.













             Un dernier travail consistera à donner à ces zones le même éclat qu'au reste de l'ouvrage.